Voila des jours et des jours qu'Éole souffle sur les sommets sans trêve et subitement, d'un coup, le vent tombe, alors c'est le moment d'y aller. La Chartreuse baigne dans une humidité prégnante, les ravines sont creusées par des flots incessant, d’ailleurs le chemin qui passe dans l'une d'elle baigne dans un courant intrépide qui se faufile entre les pierres branlantes. Il s'agit d'avoir le pied sur pour ne pas déraper. Avant même le col de toutes Aures la neige fait son apparition, de grands névés barrent le chemin. Heureusement, plus haut les quelques plaques de neige sont facilement évitable par les a coté commodes avec l'herbe rase. Sitôt la neige fondue, les crocus jaillissent de toute part. Le jeu consiste à préserver ces jolies petites fleurs en posant délicatement le pied entre chaque petit bouquet. Tout ceci pour dire que la montée est faite dans le bonheur de marcher dans une nature en plein réveil.
Deux randonneurs sont déjà sur le sommet quand j'arrive, il est 10h10, le vent aussi est déjà bien orienté, entraîné qu'il est par les brises thermiques venant de l'est. Le décollage est encore complètement enneigé mais cela ne pose pas de problème, au contraire, il est facile de planter le bord de fuite pour immobiliser durablement la voile qui ne bouge plus malgré les dusts qui passent de temps en temps. A la première accalmie, je lance la course vers le ciel, il ne me faut pas deux mètres pour entrer dans la troisième dimension. Le vol est toutefois paisible car mon objectif n'est pas de faire durer le vol. une fois posé a saint Hugues, il ne me reste plus qu'a faire du stop.
Ce qu'il y a de bien avec le stop, c'est que cela donne un tour social à la balade. Ce qui devait être une corvée devient un moment de partage et de rencontre. La première voiture est un artisan qui m’emmènera de Saint Hugues à Saint Pierre. Il est terrien et près de la nature, c'est un Chartroussin pure souche. Le deuxième est passé une première fois devant moi en me montrant qu'il avait trop de merdier dans sa bagnole. Quelques minutes plus tard il est revenu sur ses pas pour me monter au col de Cucheron. C'est un accompagnateur de moyenne montagne qui va promener des touristes. Ce sont toujours des gens sympathiques, beaucoup plus que la moyenne. Parfois en attendant le bon samaritain, je croise des visages fermés, dénués d’empathie. Je les imagine cadre moyen ou sup, tourné vers eux même et protégeant surtout leurs petits intérêts. Gentil avec ceux qu'ils connaissent, ignorants les autres jusqu'au mépris.
Alors que je redescends en voiture sur Saint Laurent du Pont, un mec fait du stop sur le bord de la route, c'est probablement un SDF avec son sac à dos pour seul bien. Effectivement il vient de proposer ses menus services aux moines de la Grande Chartreuse contre un gîte et le couvert. Une fois dans la voiture je comprends que l'offre des moines ne doit pas comprendre de douche, il pue, c'est une infection. J'ouvre sans délais la vitre et prie pour qu'il ne me demande pas de l’emmener à Grenoble, l'asphyxie serait probable avant d'avoir atteint la ville. Heureusement le stoppeur descend à Saint Laurent, je me demande s'il n'est pas complètement bourré à l'intonation de sa voix qui débite des phrases à moitié construites. Peu importe, il est bon de partager sa bagnole.
Voilà une belle balade