Conscients de la difficulté à circuler aujourd'hui sur les routes de France et de Navarre, nous décidons prudemment de partir faire un vol-rando de proximité. Le décollage du Col du Baure n'étant qu'à 13,220 kms de la maison, il sera idéal, d'autant plus que les conditions aérologiques sont annoncées optimales.
Effectivement malgré l'heure tardive, nous arrivons au pied du ruisseau du Manival sur les coups de 10h, un ciel dégagé rend la vue insolente sur la Dent, mais cela ne durera pas. Étrangement la montée n'est jamais monotone malgré notre fréquentation régulière du site. Vus de loin, nous pourrions être assimilés à des hamsters tournant sans relâche dans leur roue d'exercice... Et pourtant aucune lassitude ne vient ternir notre motivation à gagner les hauteurs du Plateau des Petites Roches. Peu avant d'arriver au col, nous avons quand même pris peur, une mer de nuages venue de nulle part occulte le soleil au-dessus de nous, son plafond coïncide exactement avec l'altitude du décollage. Pourrons-nous voler ? Le suspens durera jusqu'au col où soudain apparaît le plateau en contrebas, limpide quoique lugubre sous ce parasol géant tout gris. Nous marchons 20 mètres sous le plafond et rien n'est visible sinon la vallée. Vous me direz c'est nécessaire et suffisant et cela nous convient très bien.
Il ne reste plus qu'à traverser la crête jusqu'au décollage désert à cette heure et préparer nos voiles dans cette configuration étrange où nos têtes tutoient la voûte humide et opaque. Tout en bas la vallée illuminée nous indique l'absence de nuages au-dessus de l'Isère. Malgré la brise inexistante, l'envol est facile, le vol d'un calme olympien et la douceur agréable. L'atterrissage au soleil est un petit plus gai, l'herbe ayant eu la délicatesse de sécher permettant à nos ailes d'être pliées sans humidité dans le grand sac.
Au retour sur les coups de 13h, Waze comme Google nous indique l'absence totale d'agriculteurs mécontents sur le parcours. Toutefois l'odeur pestilentielle de fumier dans la vallée nous fait craindre une opération d'épandage d'envergure de lisier sur les bâtiments administratifs de la ville. Mais non, tout le monde doit être à table, seul un hélicoptère de la gendarmerie nationale passe et repasse à toute vitesse et à la verticale de notre plan de vol. Voilà l'unique manifestation de l'agitation sociale, somme toute légitime, des agriculteurs qui n'ont pas la vie facile, il faut le reconnaître.