Aujourd'hui nous sommes quatre à partir sac sur le dos pour une randonnée volante du côté de la frontière espagnole. En plus de Jean-Pierre, Jacques se joint à nous. Quand Jean-Pierre nous présente son ami, j'avoue être dans mes petits souliers puisque ce dernier est mon aîné de 16 ans ! Le départ est pour le moins frisquet puisqu'il faisait -7 dans la vallée, néanmoins nos amis pyrénéens ont tôt fait de réchauffer l'ambiance, aussi la montée se passe délicieusement jusqu'à la cabane de Saunère, magnifiquement ensuite avec le doux soleil du matin.
La neige ne tarde pas à faire son apparition sur le petit sentier suivant la longue crête effilée. Dans la vallée nous n'avions pas l'intention de monter jusqu'au sommet frontière du Plan de Montmajou mais de nous envoler depuis la crête, cependant la jovialité doublée d'une motivation inextinguible de Jacques nous incite à poursuivre la marche jusqu'à la limite hispano-française. Jean-Pierre, enthousiasmé par le projet, termine de me décider malgré la présence manifeste d'un beau thermique plein de vautours planant majestueusement au-dessus du décollage intermédiaire .
Aussi faisons-nous une pause afin de chausser nos petites chaînes à neige, les fameux Yacktracks, l'outil idéal pour marcher sereinement sur les pentes par moment terriblement vergelées comme on dit dans le Larboust. La dernière grimpette est vite envoyée et bientôt les sommets espagnols apparaissent dans toute leur splendeur, tout auréolés qu'ils sont de lumière dans un ciel céruléen, profond comme un drap de velours sombre. Incroyable panorama planté dans l'espace quasi infini du ciel. Pour parfaire l'instant, les conditions aérologiques sont idéales. Nous étalons nos voiles faces à l'immensité des Pyrénées puisque ce temps clair nous permet de voir le Pic du Midi comme un sommet voisin tandis que l'Arbizon semble inaccessible et totalement isolé au nord au-dessus de la mer de brouillard de Lannemezan. Derrière nous ce sont les grands sommets de l'Ariège, décidément on en prend plein la vue.
Le retour par les airs sera l'apothéose de la randonnée, bientôt nous voilà tous les quatre dans l'azur, enroulant les premiers thermiques de l'année tout du long de la longue crête sur laquelle nous cheminions ce matin. Une ascendance encore plus voluptueuse nous cueille au passage de la cabane de Saunère, décidément la plus généreuse bergerie des Pyrénées. Cette dernière nous propulse bien haut dans la grande traversée de la vallée de la Pique, l'inversion de températures commence à se faire sentir transformant la fin du vol en une délicieuse glissade jusqu'au terrain d'atterrissage. Nous voilà tous réunis, aussi heureux que des gamins sur le chemin de l'école buissonnière !
Quel plaisir de voler avec nos amis pyrénéens, et puis comment ne pas être admiratifs de l'éternelle jeunesse de notre ami Jacques, avoir une caisse pareille à 80 ans, voilà qui nous laisse entrevoir encore la perspective de longues années de bonheur en montagne !