Au même moment où je débouche sur l'arête élégante, un bruit de cavalcade me fait lever les yeux. Un troupeau de 7 chamois vient de me voir, et quitte aussitôt l'abri ombragé de l'auvent sous lequel ils se reposaient. Ils courent droit dans la pente, soulevant un gros panache de poussière qu'une brise de chaleur amplifie faisant alors croire à un petit nuage.
Immobile, je les suis des yeux, et en quelques secondes ils ont disparu sous une barre rocheuse, définitivement inaccessibles.
C'est à peine croyable : l'intermède n'a pas duré dix secondes...
De là s'ouvre un nouveau cirque, plus grand que le précédent, qui monte jusqu'au point culminant de la vire. Au-dessus de cette vire, des surplombs joufflus, d'une couleur gris-bleutée lessivée de larges coulures blanchâtres, dominent. En dessous, le vide se creuse en une barre rocheuse au calcaire fracturé et semblant peu solide. Entre deux, la vire resplendit avec son vert intense, et se resserre au fur et à mesure de son élan vers le haut. La trace quant à elle monte, légère, fine, culottée ! Elle s'approche des surplombs, pénètre dans les sols rouges à la commissure de la vire et de la falaise, et parvient, en un dernier rebond, à atteindre l'arête élégante qui se découpe dans le bleu du ciel...
Après le premier éperon, se découvre un cirque assez grand dans lequel la trace continue à l'horizontale. Bien qu'un peu plus fine, elle reste correcte, ce qui est franchement utile compte tenu de la forte déclivité côté gauche : ici, aucune erreur n'est possible, sinon on glisse et roule loin en-dessous...
Effectivement, dès le départ, la trace est bonne, très bonne. On se croirait sur un GR. C'est splendide !
Encore une photo du fonds de Rafaël Rodon.
Cela va finir par me coûter cher !
Il me semble que le parcours soit plus attrayant dans le sens nord-sud.
Mais dans l'autre sens, il doit être tout à fait faisable, et également joli.
Vue du promontoire, la belle trace qui donne le départ de la vire du Rocher de la Peyrouse.
La sortie du couloir Dérobé arrive pile à ces 2 pins.
Celle du pas Étoupe se trouve dans le creux sur la gauche, plus bas d'une dizaine de mètres d'altitude.
Le cône de la sortie finale.
A gauche, le promontoire que vous devez absolument aller visiter pour son splendide panorama.
Vous avez là une vue complète de ce "S" subtil et magistral du chemin, qui évite le seul obstacle de ce couloir Dérobé.
Vu du dessus, cela paraît évident.
Mais vu de dessous, ça l'est moins : heureusement le franchissement du bloc coincé est trop ardu pour le faire en direct et cela oblige à réfléchir...
Sur cette vue, on voit bien la pointe caractéristique qui indique où attaquer le chemin : il faut passer tout à côté.
Puis on rejoint le couloir pierreux, mais stable, pour monter dedans.
Voici une photo empruntée (encore) à Rafaël Rodon.
Qu'il soit remercié de son fonds inépuisable sur la barrière est du Vercors, qui me fourni tout ce qu'il faut pour être clair dans les explications.
Les pointillés bleus = sentier du Périmètre
Les point jaunes = remontée du couloir sous le pas Étoupe
Les pointillés oranges = alternative du couloir Dérobé
La flèche rouge qui part à gauche indique la vire du Rocher de la Peyrouse (topo à venir... ouf ! quel boulot, avec Bivouak !)
Voilà où j'en suis arrivé dans ma compréhension de la désignation des sommets de ce secteur.
Je ne dis pas être exact absolument, mais cela résume les infos récupérées jusque là.
Pour le Ranc Traversier, les sommets nord et sud étant classiquement désignés, il a fallu trouver une façon de distinguer les 2 "pointes" du sommet nord. Le terme de "partie", nord ou sud, de ce sommet nord, semblait pouvoir faire l'affaire.
Voilà, c'est la dernière zone à franchir. La trace des bouquetins est toujours présente, sous les pieds. elle ne nous aura pas fait défaut depuis le début.
Et derrière l'éperon, à dix mètres, c'est le sentier du pas de Serre-Brion qui nous attend.
Le brouillard se déchire et, l'espace de quelques minutes, nous laisse voir où nous nous trouvons. Enfin un vrai panorama !
Y a pas à dire: ça a de la gueule !
La courte traversée se fait en mettant les pieds sur le gris clair et les mains dans le jaune au-dessus. C'est le gris clair qui est solide, donc tout baigne. Pour les mains, on caresse, seulement.
Et comme le rocher n'est pas vertical à cet endroit, on n'a (presque) pas besoin des mains, finalement.
Cathy s'engage dans le passage.
Dessous, ce sont peut-être 200 mètres de falaise ???
Qu'importe, la trace est là, et Rafaël nous a rassurés : tout va bien !
Dans la partie horizontale, sous la partie sud du sommet, nous nous croyons en balade dans un pré.
Plus aucune pression, rien que du plaisir !
Le brouillard ne nous aura pas lâchés.
Quel dommage que ne pas pouvoir fixer, dans les pixels, ce moment et ce lieu qui, en plein jour, doivent être exceptionnels...
Cathy et Rafaël sont au deuxième relais de cette somptueuse traversée. Pour ma part, je viens de quitter le premier relais et découvre cette enfilade, qui m'était cachée jusque là. C'est magnifique !
Cette partie de la vire ne pouvait pas se voir depuis le bas, simplement s'imaginer.
J'espérais, presque comme dans un rêve, que le "trottoir" serait là, qu'il existerait bien...
Et maintenant je le vois !
Il est là !
Je marche dessus.
Bonheur...
Voilà le premier passage où nous nous sommes encordés. Faut dire que, dès que la trace descend, on la trouve moins facile.
Et puis quand même, elle s'est "vachement" rétrécie dans le fond du creux.
On n'y voit goutte.
Pourtant, quand on regarde le profil de l'éperon de droite, à l'arrière plan, on comprend sans problème que "aérien" ne doit pas être un vain mot, ici...
Lentement, nous montons en altitude, au long de cette magnifique rampe.
Superbe rocher à droite;
herbe moelleuse dessous;
et vide qui se creuse à gauche...
Rafaël est tellement content qu'il est parti devant, comme aspiré, et nous ne le voyons déjà plus...
Pauvres de nous !
Voilà l'entame de cette vire.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, elle est bien continue, et il n'y aura pas à craindre d'interruption : c'est génial !
Et puis, que dire de cette belle herbe épaisse sur laquelle nous marchons, sauf qu'en plus il y a toutes les marches voulues pour avancer en toute quiétude...
La photo a été prise par Rafaël Rodon, depuis la montagne de la Pâle : grand merci à lui pour avoir fourni ce cliché qui met particulièrement en valeur ce sommet, et la vire parcourue.
En bleu : sentier du pas de Serre-Brion
En jaune : la vire Haute
Voilà l'allure de la ravine finale de l'échappatoire . C'est là, sur le caillou au centre, qu'il faut se mettre à plat ventre.
Un joli couloir pour s'échapper d'ici. Les pierres ne roulent pas : c'est tout bon.
Les falaises qui dominent la Grande Vire du Ranc-Traversier, au-dessus du troisième éperon : bien raides !
Vous voyez comme on est bien, ici ??
On pourrait presque poser une tente sur le collet, pour passer une nuit...
Tout à droite de la photo, la cône terreux, délicat à passer.
Devant, le troisième éperon, et toujours la rampe Pagran au fond.
Le rappel n'est pas impressionnant : les pieds posent bien sur le rocher, et il n'est pas long.
Cette vue d'ensemble permet de comprendre beaucoup de choses. Mais pas de voir les volumes qui s'offrent lors du passage sur la Grande Vire...
En bleu le sentier du pas de Serre-Brion
Le point bleu = pas de Serre-Brion
En vert : le rappel d'accès
En pointillés jaunes : la Grande Vire du Ranc-Traversier
En points jaunes : la rampe Pagran, cachée sur cette vue
En orangé : la voie de sortie, en cas de besoin
Le triangle jaune : la salle à manger en haut de la rampe Pagran
En tirets + pointillés jaunes : la traversée du sommet sud du Ranc-Traversier en direction du col coté 2012 mètres.
C'est comme cela qu'on peut la voir, depuis l'abri de Serre-Brion.
Il faut reconnaître que l'observation doit être minutieuse pour y arriver, et aussi qu'il faut le faire le matin, parce qu'ensuite les rayons du soleil ne la traversent plus.
Voilà la récompense !
Elle est vraiment belle, avec sa forme allongée.
Envergure : 9.50 mètres de large, et 2.70 mètres de hauteur
Voilà : le seuil d'accès à la partie supérieure est franchi. On remonte maintenant le long du pierrier, en dehors des cailloux autant que c'est possible. Mais après l'angle, il faudra quand même ramer dans la pierraille...
Ne pas aller à droite dans les pentes vertes : c'est un piège.
Voir la discussion sur le forum :
[url]http://www.bivouak.net/forum/viewtopic.php?t=9267&id_sport=2[/url]
Un petit dessin vaut mieux qu'un long discours : cheminement de la trace à suivre.
Pour les modos de Bivouak : si le fait qu'il s'agisse d'un copier-coller de Google earth pose problème de copyright (ou autre) n'hésitez pas à enlever cette photo : le texte, lui, restera.
Elle était si jolie-eee,
Que je l'ai admirée,
Elle était si jolie-eee,
Je l'ai photographiée,
Elle était si jolie-eee,
Ne pouvais résister,
Elle était si jolie-eee,
Voulais vous la montrer.
Sur ce bout horizontal de l'arête "1736", quand on se retourne, ce sont tous les sommets du Dévoluy qui font un "coucou" amical. Leur neige blanche et lisse, le ciel grand bleu immaculé, la tiédeur insolite de ce mois de février 2008, créaient une ambiance apaisée et rassurante.
Pourtant...
Oui, pourtant, il ne faut pas oublier qu'on se trouve là au centre, au coeur même, d'un ensemble de reliefs inhospitaliers au possible. Et que le chemin pour monter à cette halte, si belle et tant aérienne, ne comporte qu'une petite porte...
Peut-être est-ce d'ailleurs à cause de cela que seuls les chamois - apparemment - viennent fréquenter le lieu.
Cet isolement relatif par rapport au monde des hommes confère à ces quelques mètres carrés, à mes yeux, une valeur suffisante pour choisir de ne pas la réduire.
C'est pourquoi je n'ai pas laissé de cairn.
Pour que le prochain ressente, tout comme je l'ai éprouvé en y parvenant, cette si forte impression - même fictive - d'être le premier à frotter là ses chaussures d'homme.
Poussé sur une vire pas très grande, sous un gros surplomb, ce genévrier thurifère a de bien nombreuses années derrière lui, et probablement même quelques siècles. Une première mesure, faite sur une branche tombée au pied de la falaise et dont on peut penser qu'elle lui appartenait, dépassait les 400 ans. Son tronc est torsadé et ses branches sont noueuses : cela montre combien sa pousse a été ardue. De tels arbres ne sont pas si rares, quand on se met à chercher dans les falaises.