Voilà trois jours que la météo nous annonce un mercredi fabuleux, pourtant ce matin le ciel est beaucoup moins engageant que prévu. Faut-il pour autant être défaitistes ? Pas question, nous voilà donc partis pour le Col du Baure au demeurant dégagé quand nous arrivons au parking, mais pas pour longtemps. Au fur et à mesure de la marche, des brumes scélérates ont envahi le ciel, plongeant la marche dans une sinistre ambiance. Décidément nous n'avons pas de chance, déjà la dernière fois nous nous sommes fait avoir, serait-ce la loi des séries ?
Après avoir ruminé ma déception un moment, je me dis que l'essentiel est ailleurs alors j'immortalise par une photo ce brouillard au demeurant très joli et finissons sereins les 900 m de dénivelé qui nous séparent du sommet. Comme prévu au col on n'y voit que dalle, quelque soit le côté où l'on se tourne, une brume humide et épaisse camoufle le décor d'habitude magnifique. Sur la prairie de décollage c'est la même chose, alors nous croquons nos délicieuses barres énergétiques en guise de récompense. Il règne un froid terne et glacial, comme dans les douches d'un hôpital psychiatrique. Du coup, après avoir enfilé toutes les couches disponibles de vêtements adéquats, je commence à faire un peu le ménage dans mon agenda numérique puisqu’il n’y a rien à voir. J'en profite pour vérifier si le nouveau numéro de Jean-Luc est le bon. Effectivement, il me répond pour me dire qu'il fait grand beau en plaine... et me donne des nouvelles d'en bas. Avec Jean-Luc on sait quand ça commence, on ne sait jamais quand ça finit, mais soudain et contre toute attente, une fugace éclaircie laisse apparaître un bout minuscule de paysage !
Cette vision agit sur nous comme un électrochoc, je coupe un peu brutalement la discussion téléphonique et commence alors une installation précipitée en vue de nous engouffrer dans la brèche. C'est carrément miraculeux, une fenêtre de tir se dessine là, juste devant nous ! Une fois dans sa sellette, Hélène attend une nouvelle éclaircie. Si dans l'axe de la pente les nuages ont tout rebouché, en allant voir au bord de terrain, je remarque une trouée à droite que nous cachaient les arbres. De loin je donne le feu vert à Hélène qui décolle à la perfection et elle fonce droit vers le brouillard avant de décrire une courbe en direction de la lumière providentielle.
Sans plus attendre je me précipite dans mon harnais et décolle sans rien voir puisque la fenêtre est maintenant bien décalée derrière les grands arbres. Commence alors un vol splendide entre les énormes cumulus que les thermiques de la vallée semblent gonfler comme de grosses baudruches. Évoluer dans un tel décor est fantastique, on vole comme dans un rêve. Au loin entre deux monstrueux nuages se faufile ma douce, comme portée par quelques géants scandinaves. Le vario chantera à plusieurs reprises et même à basse altitude au dessus des maisons, de quoi prolonger agréablement ce vol miraculeux avant d'atterrir dans notre petit terrain secret, loin du bruit et de la fureur.
Nous nous retrouvons hilares à côté de la flamme posée ce matin. Là-haut le ciel s'est totalement refermé sur notre passage, comme si nous nous étions glissés dans un trou de souris. Voilà un premier vol de 2023 qui augure une année fructueuse, on y aime le parapente !