Ce qui est fascinant dans le parapente, c'est qu'un vol du même endroit au même moment de la journée n'est jamais pareil. Prenez le Col de Baure par exemple, nous y sommes allés il y a trois jours et bien c'est comme si nous avions décollé aujourd'hui depuis un autre continent. Autant la dernière fois c'était calme et serein comme sous un climat tempéré, autant cette fois ça a arraché comme dans un pays tropical aux contrastes violents.
Déjà, alors que nous montons par le petit sentier en lacets ombragés, nous croisons deux jeunes parapentistes qui redescendent bredouilles, les voiles dans le sac à dos... Trop de vent là-haut qu'ils nous annoncent... Pourtant ils ont l'air de kadors, notre moral en prend un coup, ça fait deux heures qu'on marche !
Bref, maintenant qu'on est là on remplit le contrat, le sommet est un point de passage obligé. Curieusement en arrivant au col de Baure, nous constatons que le vent est bien présent mais parfaitement orienté. Alors on pousse jusqu'à la prairie de décollage et là, contre toute attente, les conditions d'envol sont parfaites. Sans plus attendre nous déplions les voiles. Sur ces entrefaites arrive un chasseur de thermiques, sellette cocon, parachute de secours, variomètre déjà en préchauffe, nous avons affaire à une pointure. Ils se prépare alors qu'Hélène est dans les starting-blocks. Elle n'a pas décollé que 9 autres parapentistes débarquent, c'est jour de fête !
Hélène s'envole la première avec aisance avant d'accrocher un méga-thermique juste devant le décollage. Vous auriez donné un coup de pied dans une fourmilière que vous n’auriez pas obtenu pire animation que sur ce terrain de décollage... La pointure s'élance, il n'a pas quitté le sol depuis une seconde que son vario hurle à la mort ! Trois minutes plus tard il est 400 mètres plus haut. Pendant ce temps là, je merde lamentablement avec mon matériel. La sellette de 290g est toute emmêlée et j'ai les élévateurs en vrille. Bref je décolle enfin dans un air apparemment calme, mais ça n'a pas duré. La voile mord brutalement dans le thermique et se dresse en arrière, je couine autant que le variomètre du kador, c'est d’ailleurs pour cela que je n'en ai pas, le mien est intégré. Après trois tours et 200 mètres de gain sur le GPS, je lâche l'affaire pendant que l'autre est satellisé. Pour votre information, il est 10h30 nouvelle heure, c'est une heure censée être relaxante en l'air. Au décollage j'observe sous mes pieds la petite meute s’agiter en cours d'accastillage, avant de tirer ma révérence, c'est trop fort pour moi.
La fin du vol est incroyable, on saute de thermique en thermique tant et si bien que j'arrive au dessus de l'atterrissage sans avoir perdu un mètre d'altitude par rapport au col de Baure. Alors j'entame la visite des rond-points du coin, c'est joli vu du ciel. Hélène a soigné son approche, elle se pose à côté de la flamme disposée ce matin. Je la rejoins bientôt sans toutefois réussir aussi bien ma précision d'atterrissage puisque c'est bien à 80 mètres d'elle que je touche le sol sans affaler la voile. Pour me donner bonne figure, je conserve la voile au dessus de moi et marche jusqu'à ma douce malgré un fort vent de face qui ne facilite pas la progression. J'essaie de faire mon petit crâneur en posant ma voile sur la sienne, mais elle n'est pas dupe, c'est l'impact des pieds qui compte, pas de la voile. Toutefois elle ne m'en fait pas grief, je ne suis qu'un homme après tout, un homme comme les autres... Enfin j'essaie d'être moins bourrin quand même, rassurez-vous.
Après mûre réflexion nous avons compris cette soudaine affluence au col du Baure. C'est juste à moins de 10 bornes du centre de Grenoble.. A n'en pas douter, tous les parapentistes du coin trop éloignés de Saint-Hilaire vont élire domicile sur ce site sauvage et beau. Les rapports avec les agriculteurs locaux vont rapidement être tendus, car il n'y a pas plus irresponsables que ces hommes volants agissant en meute.