Depuis plusieurs jours, les montagnes qui entourent Grenoble sont systématiquement englouties par une ceinture de nuages dès le début de la matinée alors qu'au lever du jour, le ciel est encore limpide. Comme si l'atmosphère était chargée d'une lourde humidité qui ne demande qu'à condenser sous les rayons du soleil, un peu comme à l'île de la Réunion où les sommets disparaissent dans les nuées au petit matin. C'est à se demander si cette vapeur ne serait pas un effet secondaire du réchauffement dont bon nombre de climatoseptiques nient encore l'évidente réalité.
Ce matin donc après une bonne soirée entre amis terminée fort tard, impossible de s'échapper de la couette avant huit heures. Alors nous partons pour Saint Nazaire aux allures réunionnaises. En effet le sommet de Château Nardant qui surplombe le village est déjà ceinturé de volutes blanches assombrissant les pentes alors que brillent au soleil les villas du bord de l'Isère. La marche commence sous la lumière avant de se poursuivre à l'ombre des panaches de vapeur qui prennent une dangereuse extension. La probabilité du retour par les airs s'amenuise avec les minutes qui passent. Arrivés au col du Baure nous n'y croyons plus, c'est un brouillard froid et poisseux qui nous entoure. Nous nous proposons toutefois de faire un tour sur le terrain d'envol avant de redescendre en stop par le Plateau des Petites Roches.
Par le plus grand des hasards les nuages laissent apparaître quelques timides trouées de ciel bleu, il n'en faut pas plus pour nous galvaniser. Sans plus attendre nous déplions les voiles en espérant une amélioration des visibilités. Hélène est déterminée, elle veut en découdre et passer à travers les cumulus, moi beaucoup moins. Finalement la timide éclaircie se confirme alors dans un seul élan, nous décollons vers le fin mur de brume. Le vent arrière ne facilite pas l'envol, après avoir couru comme des dératés, la trajectoire du vol est tangente à la pente tant et si bien que nous doutons de pouvoir passer la haie d'arbres en bas du champ. Au dernier moment, une ascendance qui tardait à venir nous écarte de tout danger, à une seconde près nous nous déroutions pour atterrir en catastrophe en travers, à la lisière de la forêt.
Au stress du décollage succède celui des teigneuses ascendances loin du relief, celles que génère un soleil seulement présent dans la plaine. Je fais une tentative d'enroulage qui se solde par un variomètre hurlant une célérité verticale peu compatible avec mon courage... Je file droit vers la vallée sans pour autant perdre un mètre d'altitude. Hélène, en phase d'approche sur Saint Nazaire, me paraît bien petite au milieu des maisonnettes éparpillées comme une poignée de crozets jetée dans l'herbe verte. La flamme indique un vent fou que les rafales agitent en tout sens. Coup de bol, nous nous posons sans encombre et délicatement sur notre terrain d'élection, poussés comme des fétus de paille, l'un vers le sud, l'autre vers le nord !
Une bien belle sortie sur la montagne de l'île de Saint Nazaire, une balade comme on les aime bien qu'un peu stressante à la descente.