Aller randonner au-dessus des lacs de Laffrey est toujours un moment particulier, mais en plus s'il fait un temps superbe avec des conditions extraordinaires alors c'est carrément l'extase ! Extase au sens mystique puisque la totalité de la balade se passe au-dessus de la dernière demeure de l'immense compositeur Olivier Messiaen! Amateurs de ses œuvres musicales et notamment des regards, elles résonnent en moi avec une brulante acuité. Nous passerons par le chemin des Trois Croix. La première marque le départ de la montée vers le sommet 1100 m plus haut, la seconde c'est le regard de la croix, celle de Gouret bien-sûr où le thermique naît dès la première heure ensoleillée, j'en profiterai de manière éhontée tout à l'heure, enfin la troisième, celle des Cloutons, posée seule en pleine pente, blanche et impérieuse domine les trois lacs.
Régulièrement le délicieux chant d'une alouette nous rappelle la source d'inspiration principale du compositeur, les oiseaux. Nous montons tranquillement dans une totale solitude, au loin sous le Piquet de Nantes vole un parapente, il est 9h du matin, en voilà un encore plus matinal que nous, il passe comme un fantôme, une réincarnation de Messiaen peut-être ? Divine est sa musique en tout cas. Il faut encore monter jusqu'à toucher le ciel, nous arrivons au sommet, le massif de l'Oisans apparaît dans toute sa sauvagerie, c'est le regard des hauteurs ! Par lui tout a été fait.
Pas un brin de vent si ce n'est par moment une caresse venue du sud, un souffle divin pour nous permettre de nous extraire de la terre, il est temps de revenir en arrière trouver le terrain idéal pour un envol serein. C'est que la pente est trop faible en haut, elle s'accentue lentement, la neige encore dure n'est présente que sur les cent derniers mètres sous la cime, nous optons pour la limite entre la glace et la terre. Le soleil est déjà haut, éclairant la pente et générant une sympathique brise de face. L'envol est assez amusant, on décolle très lentement, le sol défile sous les semelles un moment comme un regard sur le temps avant de disparaitre dans les tréfonds de la terre.
Après une longue traversée descendante, on arrive sur la Croix de Gouret et comme à chaque fois le vario se met à chanter, c'est le regard des anges ! Le vol pourrait s'éterniser des heures, après bien des circonvolutions nous terminons la descente pour nous poser non loin de Villard Saint Christophe à côté de la flamme posée ce matin. Un paysan passe sur un quad et nous recommande de tendre la ficelle clôturant la parcelle bien que nous l'ayons trouvée au sol en signe de bienvenue ce matin.
Il est midi passé, le temps de pique-niquer au lac de Petichet et bien-sûr de passer nous recueillir sur la tombe du compositeur matheysin, avec la joie de voir juste au-dessus de la pierre tombale en forme d'un oiseau chantant l'immense Grand Serre que nous venons de parcourir sur les sentiers ou dans l'air limpide et bleu. Une balade spirituelle en quelque sorte.
Pour les vingt regards sur l'enfant Jésus cité ci-dessus, la récente version du pianiste danois Kristoffer Hyldig est absolument magnifique !