Sortie : Hostile ou pacifique ? 

Hier notre vol-rando a échoué, la faute à une météo capricieuse avec un temps particulièrement instable. Rendez-vous compte, en arrivant au décollage de Montlambert à 9h45, de puissantes rafales balayaient déjà la prairie en tout sens, le feuillage des arbres en bordure était retourné et balloté dans le vent. Si nous avons rapidement renoncé à voler, trois mecs sont arrivés et n'ont pas hésité une seconde avant de déplier leurs voiles. Le premier à décoller, un jeune de dix-sept ans fraîchement sorti d'école guidé par son père, nous a montré combien notre décision était sage, il a été le jouet des éléments jusqu'à l'atterrissage. Le père et son copain ont suivi le fiston dans cette aérologie musclée. Heureusement nous avons eu le temps de récupérer les clefs de leur bagnole, nous économisant ainsi une fastidieuse descente. Tout ça pour dire que les conditions actuelles pour voler sont particulièrement fortes, aussi partons-nous ce matin pour la Matheysine à la première heure en espérant éviter une atmosphère trop turbulente. 

La première des choses en vol-rando est de planter notre flamme dans le champ qui nous sert de piste d'atterrissage. Par respect pour les agriculteurs nous choisissons toujours un terrain non cultivé ou fraîchement fauché. Notre terrain habituel non loin de Villard Saint Christophe est justement coupé à ras même si l'herbe a repoussé de quelques centimètres, il est aussi débarrassé de ses bottes de foin, nous y plantons donc notre manche à air rudimentaire. Et en avant pour la marche. En partant nous découvrons qu'un autre champ en contrebas vient d'être moissonné, encore mieux pour ne pas déranger ! 

Nous suivons alors le charmant petit sentier en larges lacets à travers les bois jusqu'à déboucher sur l'arête Sud-Ouest du Grand Serre où nous constatons l'absence totale de thermique et de quelque vent que ce soit, parfait ! Arrivés à la Croix de Gouret, notre objectif du jour, la brise est toujours descendante mais peu importe il est encore tôt. Afin de ne pas déranger deux vautours en attente du prochain ascenseur thermique, nous faisons un grand détour par la piste plutôt que de suivre la crête. Quand on arrive au terrain de décollage, les deux volatiles s'envolent avant de décrire de larges cercles au-dessus de nous, indice d'une probable ascendance. 

Les conditions ont l'air parfaites pour nous, léger vent de face et brise purement thermique, ça devrait être de la gourmandise, et ça le sera. C'est la fin du vol qui s'est avérée plus inquiétante. En effet tout en bas, alors que nous sommes largement au-dessus de notre terrain sélectionné ce matin, règne une certaine agitation. Un premier tracteur passe devant la flamme et marque un temps d'arrêt, c'est ensuite un C15, le véhicule que se doit de posséder tout agriculteur respectable,  qui marque une longue pause entre la flamme et un quad garé en bordure de notre champ. Le C15 finit par partir mais il reste le conducteur du quad à côté de la flamme... Ça sent le comité d'accueil pour une engueulade ! 

Heureusement nous avons toujours un plan B en pareilles circonstances, en l'occurrence le deuxième champ fraîchement fauché encore garni de ses bottes de paille. Hélène et moi y déroutons nos appareils. On se pose l'un après l'autre sur le champ plein de paille, pas très loin de l'individu suspect. 

Il ne se passe pas longtemps avant que l'homme remonte sur son engin de mort et disparaisse dans le décor champêtre rendu à sa solitude sous un soleil de plus en plus lourd. Nous ne saurons jamais si ses intentions étaient hostiles ou pacifiques. Peut-être voulait-il simplement observer ces aéronefs venus du ciel et discuter de tout et de rien, peut-être était-il excédé de ces parapentistes sauvages qui piétinent leur terrain alors que le foin sur pied est abondant, le mystère demeure entier. Je regrette simplement ne pas avoir pu discuter avec lui afin de savoir pour la prochaine fois où atterrir sans gêner personne. 

Après cette délicieuse sortie, impossible de rentrer sans une baignade au lac de Laffrey, ablutions suivies d'un savoureux pique-nique, nous ne sommes pas pressés de rentrer, nous devons en effet emprunter la route où passe actuellement le Tour de France...