Hier soir nous sommes allés voir une conférence animée par Damien Lacaze, un pilote de parapente Pyrénéen chevronné et fort sympathique. En plus d'une vidéo sur sa course X'alps où il a terminé vaillamment second, derrière le stratosphérique et intouchable Maurer, il présentait l'intérêt d'un bon mental pour s'améliorer. Inutile de vous dire combien la marge de progression est grande me concernant.
Ce matin donc, nous décidons de mettre à profit les conseils prodigués par le grand maître et dirigeons nos pas vers le sommet emblématique du Trièves protestant, le Bonnet de Calvin. Le chemin pour y accéder depuis Menglas est long et vertueux puisque il mesure plus de 7 kilomètres pour mille mètres de dénivelé, ça use les souliers. Exercice d'autant plus pénible qu'en ce moment une cheville me fait souffrir cruellement sans aucune raison, l'âge peut-être ? Quoi qu'il en soit, nous nous affranchissons des différentes difficultés, sentier aérien, passages câblés et autres divertissements. Pour ce qui est du décor floral, c'est un échec cuisant, étant mille mètres plus haut que la veille, on ne retrouve absolument aucune des délicieuses fleurs aperçues le long du chemin au milieu des vignes.
Pourtant notre petite halte au col de la Brèche nous inspire les meilleurs pronostics, pas de vent sinon une petite brise thermique d'est annonciatrice d'une instabilité propice au vol de distance. Nous terminons la balade sans être gênés ni par la neige ni par le vent et encore moins les nuages. Le ciel est uniformément bleu foncé tandis que les champs du plateau autour de Mens rivalisent de variétés de couleurs allant du jaune colza au vert foncé d'une herbe grasse et épaisse.
Là-haut c'est luxe, calme et volupté. Le panorama étourdissant termine de nous donner le vertige, au sud l'Obiou encore caparassoné de glace éblouissante, au nord une ribambelle de sommets calcaires ou granitiques selon le massif, c'est de toute beauté. Alors nous nous préparons vers l'ouest puisque c'est par là qu'une très faible brise souffle paisiblement. L'envol pour Hélène comme pour moi est une formalité. Bien décidé à repousser mes limites et développer la confiance en moi qui n'est pas mon point fort, je fonce de l'autre côté de la montagne pour trouver le gros thermique qui me permettra d'aller plus loin puisqu'il n'y a encore rien en face ouest. Peine perdue, je ne trouve là-bas que des pets de nonne me permettant tout au plus de ralentir ma descente inexorable. Au bout de quelques minutes, il faut bien se rendre à l'évidence, c'est bien plus stable qu'hier. Penaud et prudemment, je repasse le col de la Brèche en sens inverse à ras les pâquerettes et me jette sur le versant sombre du Bonnet de Calvin en espérant pouvoir atteindre l'atterrissage prévu.
On a beau avoir les plus grandes ambitions, quand les conditions ne sont pas là, inutile d'espérer des performances exceptionnelles. Néanmoins le reste de la descente est une délicieuse balade aérienne sans la moindre turbulence, me permettant de jouir pleinement du paysage qui défile lentement sous mes pieds. Arrivé au dessus de Menglas, j'aperçois Jean-Pierre qui s'active dans son jardin, il répond à mes appels par de grands gestes. Je retrouve Hélène sur le terrain d'atterrissage au sol spongieux, nous plions nos voiles avant de retrouver Jean-Pierre dont l'accueil proverbial ne se dément pas. Après une boissons délicieuse bue sur sa terrasse parfaitement exposée au décor resplendissant du Trièves, nous abandonnons nos hôtes pour aller pique-niquer au lac un peu plus loin.
Finalement mon mental se satisfait tout à fait d'un paisible vol précédé d'une belle promenade sur les sentiers. Quant à la performance, le simple fait d'être en montagne nous suffit, pas la peine de faire 300 kilomètres dans la baston pour apprécier le paysage !