Dès le début de la balade, les multiples senteurs de la montagne se sont succédées jusqu'au sommet. Le froid mordant d'abord, au petit matin cet air pur et sec laisse toutefois des exhalaisons qui ne sont pas sans rappeler l'ambiance des matins polaires. Et puis, avec l'arrivée du soleil ce sont les senteurs capiteuses des conifères qui transpirent, comme les bonbons vosgiens que l'on croquait enfant pour calmer le mal de gorge. Plus haut, la cheminée du petit refuge laisse échapper des effluves d'un bon feu de bois qui s'écoulent dans la brise encore descendante.
C'est sur les premières roches qui apparaissent à la faveur de la fonte printanière que commence à pousser une végétation aux bouquets variés, nivéoles, pissenlits jaunes, primevères apparaissent sur les talus dégarnis. Tout ceci laisse filtrer des aromates qui annoncent l'explosion du printemps. Plus loin encore c'est une trace de gibier d'où s'échappent les fragrances musquées d'un chamois en quête d'une verdure trop rare encore.
Au sommet pour midi, quelques randonneurs déballent déjà leurs sacs pour pique-niquer face au paysage indolent. Le doux parfum d'un jambon fumé, les effluves d'un morceau de beaufort m'incitent à mon tour à sortir mes victuailles. Une salade de pommes de terre à l'ukrainienne, dont les fragrances acides de l'échalote éveillent mon appétit, va me redonner du baume au cœur. Les réjouissances terminées, il ne me reste plus qu'à profiter de la neige transformée à point, les émanations de vapeur qui s'échappent du manteau neigeux n'incitent pas à la rêverie. Il faut descendre avant que la neige ne se liquéfie.
L'inversion du courant d'air dans la vallée fait maintenant monter bien au dessus du refuge les doux fumets des plats que prépare le gardien, décidément cette Jasse aux pentes baignées de lumière est un bouquet de senteurs !
PS: j'ai oublié mes lunettes et j'ai craint un moment de me cramer les rétines, mais non ça n'a pas senti le roussi !