Le col de Baure, à travers cette balade champêtre on retrouve l'ambiance de ce lied merveilleux de Gustav Mahler "Ich bin der Welt abhanden gekommen". En effet, la solitude sur le parcours est totale, bien loin de l'animation perpétuelle de Saint-Hilaire pourtant proche. Ici tout n'est que sérénité, la marche, d'abord au milieu des champs, se poursuit à travers la forêt entre les deux flancs abrupts du Manival. La progression est silencieuse, seulement troublée par le chant de quelques merles siffleurs. Après une ascension fraîche à l'ombre de l'ubac, le soleil nous accueille éblouissant au col, une petite brise thermique annonce un essor sympathique. Personne, nous n'aurons vu personne de tout le trajet, pas plus que sur la prairie qui nous sert de tremplin pour les airs.
Quel délice de déplier les voiles sans avoir à chercher une place entre les coliformes fécaux de Saint-Hilaire dont la seule préoccupation est de critiquer ou de se mesurer la quéquette ! Ici tout est simple et vrai, l'azur brille de mille feux tandis qu'au loin Belledonne illumine l'horizon. Sans stress aucun, nous nous envolons pour un vol d'une rare qualité, celle de nous promener au dessus de tout, sans recherche de performance ou de compétition. Nous volons plume contre plume, étrangers au monde des hommes pour quelques minutes de bonheur absolu avant de nous poser, heureux, dans un champ immense d'où nous sommes partis ce matin. Rien n'aura terni cette balade idéale, ni l'effort de la montée, ni le calme de l'air et encore moins une éventuelle rosée qui aurait compliqué le pliage des voiles.
Et comme le chantait si bien Fisher Dietrich Dieskau
Wir leben einsam in unserem Himmel,
in unserer Liebe, in unserem Lied
Nous vivons solitaires dans notre ciel,
dans notre amour, dans notre chant.