Sortie : Un vol turbulent

Il y a trois jours, nous décidions de profiter de notre souper à Villard de Lans pour dormir là-haut afin de monter à la fraîche le lendemain au Cornafion faire un vol depuis son épaule puisque la météo était formelle, léger sud à 2000 m d'altitude. Nous réservons donc la dernière piaule disponible sur Booking, un studio dans l'immense complexe immobilier des Glovettes. Une fois tout mis en place, un dernier bulletin hier soir jette l'incertitude sur notre projet, en fait de léger sud ça devrait être nord plein pot... Peu importe, les dés sont jetés. Nous passons donc une délicieuse soirée avec nos amis à la Ferme de Bois Barbu avant de nous coucher dans l'un des nombreux appartements de ce gigantesque immeuble à l'architecture discutable (c'est moche mais c'est un témoin intéressant des années 70).

 

Puisque nous avons payé 60€ pour dormir aux Glovettes autant maintenir notre balade même s'il est probable que nous redescendrons à pied de là-haut. Ce matin, nous plantons donc notre flamme en aval de Villard de Lans, juste en face de ce qui fut le chalet de la famille Plissonnier, et en avant vers le but de la journée. Si la marche se déroule agréablement dans la fraîcheur du matin et des restes de l'orage nocturne, le vent du nord ne va pas tarder à se faire sentir. Á 9h03 les rafales sifflant dans les branches des derniers arbres au-dessus de la belle forêt ne laissent aucun doute sur l'incongruité de porter deux voiles au sommet de l'épaule du Cornafion.

 

Hélène file devant d'un bon pas sur un chemin disparaissant dans la végétation si bien qu'à une bifurcation elle prend à gauche pendant que je file à droite. Sans plus se voir pendant un moment, Hélène me contacte par téléphone, nous convenons de poursuivre chacun de notre côté puisqu'en haut les chemins se rejoignent. De mon côté, sur le fil de l'épaule l'exposition au vent confirme la présence d'un vent du nord fort et turbulent pendant que ma douce remonte tranquillement au fond du vallon. On se retrouve enfin sur le haut de l'épaule pour constater le force du vent. Pas pressés du tout de redescendre dans la fournaise, nous contemplons le plateau du Vercors, ce massif, théâtre de tragédies durant la dernière guerre, est aussi un magnifique terrain de jeu pour les fondeurs quand la neige daigne tenir à la faveur d'un épisode neigeux hélas de plus en plus rare.

 

En attendant, les coups de boutoir du vent semblent de moins en moins redoutables, Hélène émet soudain l'hypothèse d'un décollage vers le nord, ce qui ne manque pas de me plonger dans la plus grande crainte. La présence d'une énorme crête descendant des Rochers de l'Ours doit générer de puissantes turbulences puisque nous sommes sous le vent de son influence. Mais il faut bien le reconnaître, le vent baisse et les balises météo tout autour de nous confirment le phénomène, le ciel devient fréquentable.

 

Nous montons au plus près de la falaise du Cornafion afin de tenter de limiter l'influence de la Crête de l'Ours et déployons nos ailes. A ce moment nous tombons d'accord sur un point, il nous manque Jean Pierre le pyrénéen, à coup sûr celui-ci décollerait le premier et nous montrerait combien notre plan n'est ni fou ni inconscient. Au lieu de cela c'est Hélène qui va faire le fusible, ce qui ne me rassure pas plus que cela. Pendant ce temps une centaine de moutons arrivent, si le berger n'a pas l'air emballé de notre présence ici, il nous donne néanmoins l'autorisation de partir.

 

Gonflage, temporisation, accélération, ma douce entre dans une masse d'air qui l'est beaucoup moins, elle se fait chahuter un moment avant d'échapper à l'influence néfaste et pernicieuse de la Crète de l'Ours. Fébrilement j'étale ma voile pour lui emboîter le pas. En l'air effectivement ça bouge pas mal, en de grandes amplitudes nous avançons parfois difficilement face au vent en nous heurtant parfois contre un mur invisible. Bon an mal an nous sortons enfin de la lessiveuse pour terminer le vol tranquillement loin de tout relief au-dessus de Villard de Lans.

 

Nous nous retrouvons sur le plateau, fort joyeux de la réussite inespérée de notre projet, récupérons la flamme que les passants trouvent étonnante avec ses inscriptions des forces administratives et filons voir une amie.