Un Pic du Gar délicat
Dans la belle région toulousaine pour un repas de famille, la vue splendide hier depuis Saissac sur la chaîne des Pyrénées titille mes frustrations d'un week-end certes passionnant mais néanmoins aride question montagne. Alors fort tard dans la soirée, quand j'ai vu l'éventualité d'une fenêtre de tir réduite mais réelle, il n'en a pas fallu plus pour mettre sur "ON" mon horloge biologique. À cinq heures du mat, pas besoin de réveil pour se lever et rajouter encore une centaine de kilomètres pour retrouver ma montagne fétiche. Oui on pourra objecter que le bilan carbone est vraiment mauvais, cependant le compromis entre la famille et la montagne est à ce prix là ...
Pas un feu rouge pour traverser Toulouse, et le ciel étoilé me galvanise. Au péage à 5h30, les flics sont là pour me faire souffler dans le ballon*... 0,0g ?!? la voie est libre, rien ne m'oppose à la montagne. C'est avec grand plaisir que je commence la marche, le jour se lève, les plus hauts sommets sont dans les nuages et probablement sous la neige mais peu importe, c'est si bon de suivre ce chemin. Il n'y a pas de différence entre le sentier des Alpes et celui des Pyrénées, pourtant ce ne sont pas exactement les mêmes sensations, je ne reconnais pas le chant  matinal du merle, il me semble plus mélodieux, la verdure elle même semble différente, ce petit dépaysement est une gourmandise supplémentaire.
Sous le Col de Teyech j'ai craint le pire en entendant le vent siffler dans les branches, mais au col, rien de bien méchant, la brise glaciale de nord entretient une fraîcheur excessive, je conserve la polaire et enfile les gants par mesure de précaution, avec ce froid, jamais je ne pourrai verrouiller les boucles de la sellette de mes doigts engourdis - je le sais parce que je n'ai jamais pu refermer les boutons de mon jean's après une halte technique au col....
Rien ne m'empêche malgré tout de poursuivre jusqu'au sommet, ni le vent turbulent, ni les nuages qui s'accrochent maintenant sur tous les sommets - y compris le mien -. La neige à présent omniprésente en une couche dure et délicate ne sera pas un obstacle infranchissable malgré mes chaussures totalement inappropriées. Au sommet c'est une très bonne nouvelle, la montagne me fait une faveur incroyable, le ciel s'ouvre sur la vallée, le vent bien que fort est maintenant laminaire, et surtout une belle plateforme déneigée me permet d'étaler sereinement le parapente. Pas besoin de préparer consciencieusement la voile, avec cet air puissant, il suffit de jeter le paquet de tissu vers le haut, et par des petites tractions successives sur la voile, la corole s'ouvre rapidement. Bon au premier essai, c'est plutôt le vent qui à été le patron.... Mais à la seconde tentative, le ciel m'a cueilli comme une fleur. Je suis maintenant en l'air devant le sommet et ses masses nuageuses dans un écoulement laminaire... Le bonheur absolu, il n'est que 9h30 et les Pyrénées s'offrent à moi tout seul.
Mais le froid aura vite raison de ma témérité, il faut quitter cet avant poste imprenable et me diriger en crabe vers le lac de Gery. En vol je rappelle Jean-Luc qui ne veut pas me croire que je suis juste au dessus de lui. Dans la vallée de la Garonne, l'air est calme et l'atterrissage est facile au milieu des poneys, le proprio et son copain viennent à ma rencontre,  ils m'ont tout de suite reconnu, un cinglé qui décolle du Pic du Gar dans ces conditions y en a qu'un... Ah bon?
Tiens le copain du proprio n'est autre que Michel un parapentiste toujours en activité avec qui nous faisions beaucoup de vols il y a bien longtemps. Jean-Luc nous rejoint, on discute le bout de gras cinq minutes mais pas plus, y faut que j'aille voter à Grenoble moi.
De retour à Toulouse  dans la famille, tout le monde remarque ma mine réjouie par cette matinée et surtout mon air déboutonné...
* Souffler dans la ballon est devenu une expression, il n'y a plus de ballon, c'est une machine électronique et mystérieuse....