Le sentier du facteur est toujours un moment de rêverie unique et agréable, la sente est bien tracée, couverte d'un moelleux tapis d'épines de pin et la pente insignifiante. La petite source du postier ne donne déjà plus beaucoup d'eau, juste de quoi remplir la bauge à sanglier. A Chauplane les heureux propriétaires se délectent du lever de soleil sur le Mont Aiguille tout en dégustant une bonne tranche de pain frais trempée dans un grand bol de lait frais juste sorti du pis – enfin j'imagine – un petit bonjour et il me faut poursuivre la route dans les alpages.
Les nombreuses génisses éparpillées dans les près, croyant au retour du berger, se rassemblent autour de moi dans une galopade inquiétante, et puis, déçu par ma présence, redeviennent un élément statique du décor. Et quel décor, c'est pour moi l'une des plus belles balades! Ce cirque de falaises entre le Mont inaccessible et la barrière naturelle du Vercors entachée de soleil, c'est bon de marcher ici. Pour ce qui est de l'option retour par les airs, plus je monte meilleures sont les conditions, une brise Ouest devient de plus en plus insistante à l'approche du sommet. Comme il subsiste une petite composante sud, le décollage du Roc de Cognière me semble le plus adapté. Ce n'est pas le thermique de la Face Sud-est qui va nuire au décollage, il n'y a quasiment plus de soleil, le ciel prend des teintes plombées de plus en plus sinistre. Après un rapide aller-retour au sommet, le terrain d'envol repéré à la montée est toujours d'actualité, ce sera bien du coté ouest qu'il va falloir étaler, face au divin panorama.
Durant la préparation du vol, les ficelles sifflent dans le vent pendant que la voile est clouée au sol par quelques caillasses blanches. Le décollage sera effectué sur place, j'ai un peu sous estimé la force du vent, un décollage face voile eut été préférable, heureusement j'avais pris soin de descendre de quelques mètres sur le flanc ouest. La voile me porte instantanément malgré la faible pente. Je n'aurai pas à allé jusqu'à Chauplanne pour franchir la crête. La brise me porte comme la main d'un géant débonnaire, je reste là au dessus de la crête en stationnaire, j'en prends plein les mirettes, plongé au cœur même de ce somptueux décor.
Et puis, il a fallu quitter la couche de vent laminaire pour finir le vol tranquillement au dessus de Saint Michel les Portes. Le vaste champ fraichement fauché m'accueille comme un tapis de prière... Impossible de plier la voile, les images défilent encore au ralenti, voilà une bien belle descente ! il a bien fallu refaire surface et plier le matos avant de regagner la ville laborieuse. Heureusement l'écoute durant le trajet de retour du dernier Yodélice – Cardioïde – m'aura permis de planer encore un peu...