Sortie : Immense est le monde

Le stop pour la dernière petite partie ne fonctionne pas vraiment alors, lassé d'attendre, je laisse la route pour le chemin de traverse. Il reste quand même 800 m de dénivelé mais avec cette lumière zébrée par les branches nues sous la forêt, c'est un spectacle permanent. En passant au parking je retrouve la Twingo orange, j'avoue que l'envie de placer sous son pneu la vis pointue que j'avais ramassée en bas sur le bas-côté de la chaussée m'a traversé l'esprit. C'eût été une bonne farce mais non, la méchanceté n'est pas mon fort.

 

Le sentier se poursuit d'abord dans la forêt avant de rejoindre la gencive de la Dent de Crolles, à partir de ce moment l'espace s'ouvre sur le monde, un monde limpide et lumineux qui s'étend à perte de vue au-dessus des nuages. Au col des Ayes le vent, sans être fort, est clairement de nord, ce qui n'est pas pour arranger mes affaires, néanmoins la beauté des lieux et la quinzaine de chamois broutant plus haut la prairie rase comme un paillasson me donnent l'énergie de monter jusqu'au sommet de Pravouta, d'autant plus que la neige n'est pas bien gênante, il n'y en a presque plus.

Le sommet de Pravouta n'est pas vraiment plat, c'est une arête effilée avec heureusement un petit replat commode pour étaler la voile vers l'est. Alors que je recherche le meilleur endroit pour m'installer débarque du ciel un parapentiste. Il se pose comme une fleur à deux mètres de moi dans la neige à peine dégelée, un champion qui vient de décoller de la Dent de Crolles. Il est d'ailleurs reparti dans les airs quelques minutes plus tard avec grâce et légèreté. De mon côté je termine mon installation avant de m'envoler dans son sillage.

 

Bonne nouvelle, la mer de nuages sous le plateau est en train de se morceler au nord, laissant de larges tâches sombres où l'on doit pouvoir se faufiler. Mon terrain d'atterrissage étant au sud, il n'est pas dit que je puisse l'atteindre mais peu importe il y a toujours un plan B. Le vol est carrément somptueux avec ce panorama flottant sur les nuages ! J'arrive sur la vallée avec une hauteur confortable, il faut dire qu'avec ce décollage largement au-dessus de l'inversion, ça descend à peine. Tout en bas la fumée des usines de Crolles montre la tendance nord tandis que mon objectif est toujours invisible sous la couche lumineuse plus au sud.

 

C'est en passant sous les nuages, à la limite de l'ombre et de la lumière que le vario a commencé à couiner doucement, de quoi faire durer un peu le plaisir avant d'atterrir à l'ombre sur le terrain officiel. Voilà un beau vol sur 1500 m de dénivelé, décidément ce Pravouta est un bon plan. Le soleil apparaît sur le terrain d'atterrissage une fois le rangement du matos terminé, dans un vent du nord perturbant un peu le pliage de la voile.