Voilà trois jours qu'il devrait faire mauvais, mais rien ne semble venir sinon trois gouttes éparses, alors ce matin j'ai repris mon bâton de pèlerin pour monter à la Galoppaz. C'est un petit sommet des Bauges taillé pour le parapente. Seulement cela commence à se savoir dans le landerneau des hommes volants, avec pour conséquence une fréquentation accrue des libéristes de tout poil. Cette augmentation du trafic aérien n'est pas pour plaire aux agriculteurs qui en ont assez de voir piétiner le maigre fourrage qu'ils récoltent pour leurs bêtes l'hiver prochain.
C'est donc dans un champ non clôturé et en jachère, loin de l'atterrissage classique où notre présence agace, que je plante ma flamme au petit matin, juste à côté d'un petit parking isolé. Commence alors une marche qui, pour le coup, est beaucoup plus longue que d'habitude. Mais peu importe dans l'activité vol-rando n'y a-t-il pas le mot rando ? La nature est belle au printemps mais les chiens nouvellement libérés de l'hiver courent autour des fermes en jappant bruyamment, ils sont surexcités. Heureusement aucun d’eux n'est méchant, ils me laissent tranquille et bientôt me voilà dans la montagne loin de la civilisation. Là-haut les alpages ne sont pas encore investis par les troupeaux, le sol est sec et dur comme de la pierre, la progression est facile. D'autant plus facile que j'ai oublié ma gourde et mes vivres de course, ce qui explique pourquoi mon sac me pèse si peu sur les épaules, mais je connais l'existence d'une source fraîche sur le parcours, juste sous le sommet.
L'abreuvoir est effectivement toujours là, l'eau jaillit d'entre des rochers, seulement le berger n'a pas encore mis en place les tuyaux ni retourné les bassins, l'eau coule en ruisseau sans aucune vasque pour se désaltérer. Me voilà donc à quatre pattes pour aspirer le précieux liquide dans de minuscules petites flaques alignées au gré du relief. La boisson est bien fraiche malgré un arrière goût légèrement terreux, on ne va pas faire la fine bouche. Je repars la soif étanchée vers le sommet où une brise pas vraiment idéale pour l'envol m'accueille fraîchement. Un petit tour à la cime est nécessaire pour bien s'assurer de l'orientation réelle du vent météo qui vient de l'orient. Nord ou Sud eut été préférable. J'étale donc la voilà à l'opposé du plan de vol pour un décollage un peu technique.
Tout se passe comme prévu et me voilà rapidement en l'air, poussé vigoureusement par le vent d'est. Par un habile contournement du sommet, je place mon aile en direction de l'atterrissage sélectionné ce matin et en avant la musique. L'épais voile d'altitude bloque toute convection, le retour aérien ne sera qu'une longue glissade sans jamais entendre le son du vario. Si le vol ne s'éternisera pas longtemps, au moins sera-t-il d'une douceur incroyable, comme dans un transat !
Atterrissage, pliage et retour au foyer seront aussi paisibles que le vol. Serait-ce le calme avant la tempête annoncée ? J'en doute.