Malgré la fin tardive du voyage en provenance d'Heraklion (nous avons retrouvé notre plumard à 1h30 du matin), pas question de laisser passer cette belle journée à faire la lessive. La machine à laver tournera pendant que nous volerons en montagne. Nous ne sommes pas vraiment performants sur le réveil mais peu importe, au mois d'octobre, il n'est pas nécessaire de partir aux aurores. Ce n'est qu'à 9h30 que débute la balade vers le col du Baure, sous une épaisse couche de nuages qui laisse toutefois notre sommet bien visible sous le plafond. Cette nébulosité n'était pas prévue mais un rapide coup d'œil à Météo-France me rassure, tout doit disparaitre !
La piste, puis le petit sentier qui lui fait suite, n'est jamais monotone. Le calme relatif au petit matin nous laisse l'occasion de rêvasser sur cette semaine idyllique en Crète. Les 14 lacets finaux passent comme une lettre à la poste avant de retrouver la solitude totale de la prairie d'envol. Pas de précipitation dans la préparation des voiles, à mi-octobre il ne faut pas trop compter sur l'agitation thermique habituelle avant midi, si tant est qu'il y en ait une dans la journée ! Les nuages juste au dessus de nous se disloquent lentement tandis que la vue se dégage sur les sommets de Belledonne en face. C'est à ce moment qu'Hélène me fait remarquer un parapente au loin, largement en dessous de nous au niveau de la falaise du Plateau des Petites Roches. Tiens, que je lui dis, en voilà un qui s'accroche au branches, c'est pas possible de tenir en l'air aussi tôt, il n'est pas encore midi ! Le temps de finir la préparation, nous le voyons disparaître dans le plafond nuageux qui s'étend jusqu'à lui. Alors que nous enfilons les sellettes voilà soudain le parapentiste qui déboule du ciel, il vire avec précision entre les arbres et se pose comme un aigle à contre pente, juste en face de nous! Une apparition céleste !
Nous faisons rapidement connaissance du pilote de l'avion de chasse, une Zéo light de chez Ozone. C'est un petit jeune, étudiant à l'INP, qui occupe sa matinée avant les cours de l'après-midi, il file en cross jusqu'à Grenoble avant de revenir sur Saint Hilaire mais quand il nous a vus, il est venu nous faire un petit coucou. Ses copains vont bientôt arriver, il nous invite à le suivre. Nous décollons tous ensemble, Hélène, l'aigle de Saint Hilaire et moi juste derrière lui dans son aspiration. Si j'ai réussi à centrer le premier thermique, je n'ai jamais pu trouver le deuxième... Pourtant les arbres sont furieusement secoués aux abords des falaises, il doit bien y avoir quelque chose à enrouler. Je rame laborieusement pendant que rapetisse dans le ciel la Zéo magnifiquement conduite par celui qui n'a pas le tiers de mon âge... Sans plus attendre il attaque la fameuse transition du Manival, celle que les deltistes appelait jadis le cimetière. Alors que je me fais chablater de tous les côtés avant la transition, j'aperçois mon lièvre terminer sa traversée et entamer une spirale dans le thermique d'en face. Peine perdue, je vais rester en local, c'est pas la peine de se mettre la rate au court bouillon à vouloir suivre cet oiseau là.
Nous quittons l'essoreuse pour glisser jusque dans la vallée. Une fois au sol nous observerons ses petits camarades venus de Saint Hilaire qui tentent eux aussi désespérément la transition pendant que notre aigle revient déjà du Saint Eynard avec une altitude confortable, royal !