Décembre n'est généralement pas un bon mois pour la montagne, aussi ne faut-il pas être bégueule en observant le ciel ce matin, si une chape de nuages gris couvre les plus hauts sommets, l'air frais est encore sec, alors en avant pour un col de Baure, la sortie de secours en cas de temps incertain.
Incertain, il le sera si l'on se réfère aux petites pluies traversières qui émailleront toute la montée en tombant bruyamment sur les feuilles mortes. En attendant, la marche est toujours un bon moyen de faire le point sur soi et accessoirement sur le monde dans lequel nous vivons. C'est au cours d'une de ces digressions qu'une détonation toute proche me tire de ma rêverie. Un chasseur orange vient d'exprimer sa haine envers un pauvre animal sauvage qui n'a pourtant pas la vie facile. Le tireur est devant moi sur le sentier, un nuage de fumée acre sentant la poudre à canon entoure encore le fusil à lunette.
- "Alors ?" que je lui dis, "le sanglier est mort ?"
- "Non" me répond-il, "ce n'est pas un cochon, c'est un blaireau... je l'ai raté mais mes chiens sont après lui, le GPS m'indique qu'il est à 400 mètres d'ici."
Devant mon air dubitatif, il reprend:
- "Oui, mes chiens ont du le suivre jusque dans sa tanière car leur signal GPS a disparu." Sur sa lancée le chasseur poursuit: "j'aime pas cet animal, il a déjà blessé un de mes chiens…"
- "Moi non plus, j'aime pas les blaireaux" que je lui réponds. Pas sûr qu'il ait saisi l'allusion perfide de ma remarque.
Nous poursuivons ensemble le chemin sur 400 mètres avant que chacun ne reparte vers son objectif, moi vers mon vol en parapente, lui vers sa boucherie envers un bel animal qui n'est même pas comestible. Quelques minutes plus tard, une seconde détonation résonne dans le vallon du Manival, sonnant le glas de la pauvre bestiole au pelage si soyeux.
Pour le reste, rien de bien fantastique, la pluie s'est transformée en neige avec l'altitude et c'est par un hasard des plus agréables que l'accalmie est arrivée en même temps que je me présente au terrain de décollage. Quelques minutes plus tard, j'étais dans le ciel, seulement gêné par une petite averse passagère qui a fort heureusement cessé en s'écartant du relief. Voila néanmoins une belle petite sortie qui permet toujours de se changer les idées.