Les volumes de neige en altitude étant conséquents, il faut choisir astucieusement son objectif. La balade du Bonnet De Calvin, qui surplombe le plateau du Trièves devrait offrir toutes les garanties pour ne pas trop souffrir à marcher dans une neige trop molle avec ces températures dignes du mois de juin. Effectivement le sommet est bien choisi, quel bonheur de marcher sur un bon sentier bien sec alors que toutes les pentes environnantes sont encore toutes blanches.
Le sentier débute du village de Menglas par une longue ascension en direction du soleil. Il faut bien connaître le parcours pour ne pas louper un embranchement, l'éblouissement est total sur toute la montée ! Au col, une simple brise thermique agite mollement les branches des rares pins chétifs qui décorent la pente terminale. La vue est insolente dans toutes les directions. Où que porte le regard, l'émerveillement est total. Mais quel bonheur de progresser dans un tel cadre. Après quelques courts passages d'escalade facile, le sommet est là. Une étrange quiétude règne en maître. La vue est fabuleuse depuis le Vercors jusqu'au Devoluy, en passant par l'Oisans sauvage dont les cimes acérées et immaculées se découpent dans un ciel céruléen.
Après un tour d'horizon lentement consommé comme un travelling cinématographique, il est temps de préparer la voile. Si elle se gonfle facilement, au moment crucial, elle prend des libertés en me dépassant rapidement. Comme la piste d'envol est couverte d'une épaisse couche de neige molle, il n'est pas possible de courir pour la rattraper.... plutôt que de me boiter, j'opterai prudemment pour un arrêt avant la falaise. La voile retombe derrière moi, posée délicatement sur le bord de fuite. Les caissons ne demandent qu'à reprendre leurs aises. Alors plutôt que de ramer dans la soupe pour revenir sur la crête, je tente un décollage sur place, les deux pieds au bord du trou. Dans une brise maintenant bien établie, la procédure fonctionne parfaitement. Le thermique s'engouffre dans la voile pour me soulever instantanément au dessus de tout. Bientôt le sommet est sous mes pieds, il ne reste plus qu'à profiter du paysage qui maintenant, s'étend sans interruption sur 360°. Il suffit alors de tourner jusque dans l'ivresse.
Mais toutes les bonnes choses ayant une fin, il est temps de se poser et de rentrer, non sans prendre deux autostoppeurs à Mens, c'est quand même mieux de partager.