Rochers de Bourez par le col des Bachassons

Vire du rocher des heures

Données de la sortie

Météo GIF
  • Date :
  • Durée :
  • Dénivelé :
  • Distance :
  • 27-07-2014
  • 4h
  • 900 m
  • 15 km

Données de l'itinéraire

  • Massif :
  • Cotation :
  • Topo :
par ced Avatar de anonymous

Toutes les photos ici :
[url]http://cedricleclercq.wordpress.com/2014/07/28/vire-du-rocher-des-heures-et-pas-de-laiguille-chamousset/[/url]

J’avais encore la possibilité d’un bivouac ce week-end, à ne pas laisser passer comme la météo était annoncée plutôt correcte. Mon passage au lac Guichard le week-end dernier avait renouvelé mon admiration pour les Aiguilles d’Arves (les plus belles montagnes du monde selon moi !), aussi je prévoyais un parcours permettant de les approcher nettement plus que je ne l’avais fait jusqu’ici, avec au passage un bivouac sur une crête probablement fort sympathique et comme je les aime (aérienne tout en restant "rando"). Seulement une fois de plus en ce mois de juillet bien médiocre, en s’affinant la météo s’est faite moins enthousiaste. Après bien des tergiversations j’ai décidé de maintenir mon projet, en mettant en plus dans le sac les affaires de pluie ainsi que des affaires plus chaudes. Caplain parlait de la possibilité d’orages épars le samedi, surtout près de la frontière, donc je me suis dit qu’avec un peu de chance je ne prendrais guère plus qu’une averse étant de l’autre côté des hauts massifs frontaliers.
Sauf qu’en partant le samedi matin, j’ai entendu la météo à la radio qui parlait d’orages pour ce samedi, surtout en Savoie, tout en parlant d’une amélioration venant par le sud… J’ai déjà dû l’écrire ici plus d’une fois mais suite à un souvenir marquant, les orages sont vraiment ce que je crains le plus en montagne, et du coup la machine à tergiverser s’est remise en route : se retrouver seul avec sa tente et son trépied photo sur une crête dégarnie à 2600m ne m’enchantait pas du tout, d’autant qu’il n’y avait pas de cabane de repli.
Il fallait que je passe par Grenoble pour des questions logistiques donc j’ai repoussé l’échéance du choix en me disant que je verrais une fois sur place. Je réfléchissais en même temps aux autres alternatives : le Dévoluy auquel j’avais pensé initialement mais c’est aussi loin des abris en général, dénudé, et je n’avais pas la carte de l’itinéraire projeté. Restait le Vercors : j’ai rapidement songé au pas de l’Aiguille, avec sa cabane en cas de gros souci, et puis c’est un coin que je connais bien donc je n’avais pas trop de doutes de faire une balade sympa. En arrivant sur Grenoble le choix s’est décanté : le ciel était noir vers Belledonne et au-delà alors qu’il était plutôt bleu avec quelques cumulus épars vers le sud et le Vercors. J’ai emprunté la carte adéquate chez mes parents (il n’y avait que des cartes du Vercors de toute façon !) et je suis parti vers la Richardière…
Arrivée sans histoires au bout de la piste, et j’ai entamé la montée. Peu avant de déboucher au Pas j’ai pris quelques photos d’un bouquetin dont le logement consiste en une petite grotte au-dessus du sentier, idéal pour voir le défilé des promeneurs… Je suis arrivé au pas à 14h et n’ai donc pas tardé à grignoter. Il y avait un vent qui soufflait par moments en rafales, et les nuages avaient maintenant envahi le ciel. En mangeant je me suis dit que de là j’aurais sans doute le temps d’aller voir la vire du rocher des Heures que je ne connaissais pas (sur le versant ouest du plateau), mais il ne fallait tout de même pas trop traîner. Je suis donc parti en suivant le sentier classique qui passe à Jasneuf. Mais avant d’arriver à la bergerie j’ai vu que le ciel était devenu vraiment très sombre et que le tonnerre grondait : demi-tour pour revenir aux Chaumailloux sans demander mon reste…
J’y ai traîné un peu puis j’ai vu que le ciel bleu revenait alors que l’orage semblait aller vers Die et que le plateau restait au sec : j’ai repris le sac à dos et en route. Je suis arrivé à Jasneuf assez vite ; je n’étais pas venu là depuis au moins 15 ans donc j’ai fait quelques photos de la bergerie avant de discuter un moment avec le berger, qui avait très longtemps officié auparavant au jardin du Roi et qui connaissait donc par coeur le secteur de la Croix du Lautaret. Il m’a raconté quelques histoires avec le loup, ses patous, ses agneaux, la vie ici… Enfin un groupe de ses amis est arrivé donc je l’ai laissé pour aller vers la vire. En retrouvant le GR91 aux Quatre Chemins je suis tombé sur un autre troupeau et rapidement j’ai vu arriver en aboyant deux patous qui avançaient la queue basse et l’oeil menaçant avant d’aller se placer derrière moi en continuant à m’aboyer dessus. J’ai réalisé que c’était la première fois que des patous m’ennuyaient, mais jusque là ils ne semblaient pas trop excités et je me suis dit que le mieux était de ne pas y prêter attention. Du reste, presque aussitôt un vigoureux "oooh" du berger les fit cesser presque immédiatement.
Je suis arrivé peu après à la bifurcation entre le sentier qui descend vers Archiane et celui qui monte sur l’échine du Glandasse. J’ai suivi le second : du fait de mon changement tardif de projet je n’avais hélas pas avec moi le topo de Pascal Sombardier sur cette balade, mais je me souvenais de l’essentiel : il fallait quitter le GR quand il monte sur le Glandasse afin de poursuivre vers l’échancrure entre les rochers de Bourez et ceux des Traverses, et la vire était un aller/retour sans difficulté technique particulière. Les éclaircies alternaient avec les nuages mais globalement c’était plutôt pas mal du tout, et bien mieux en tout cas que ce que j’espérais. J’appréciais aussi beaucoup de retrouver l’ambiance de ces hauts plateaux : mélange de petites collines douces, de prairies, de lapiaz et de pins épars. Avec les hauts sommets (Veymont et Mont Aiguille) qui se détachaient bien au fond, cela faisait vraiment un beau panorama.
Une fois à l’échancrure j’ai vu qu’il fallait continuer à monter encore un peu vers le sud, où un petit bout de falaise s’est vite laissé apercevoir : il était évident que la vire allait partir en-dessous. J’y suis arrivé assez vite et j’ai vu la vire, dont l’entrée était bloquée par des branchages amassés par les bergers pour éviter que les brebis ne s’y engagent (c’était l’un des détails du topo dont je me souvenais). Pour les humains le bouchon est très simple à contourner donc je me suis engagé sur la vire sans plus attendre.
Le départ met tout de suite dans l’ambiance : moins de 10 mètres après y avoir pris pied, on passe sur le passage qui est peut-être le plus vertigineux puisqu’un petit couloir étroit et profond remonte presque jusqu’à la falaise qui domine la vire. Néanmoins pas trop d’inquiétude à avoir : la trace est bonne, plate et suffisamment large à cet endroit. Ensuite la vire remonte un petit moment. Ce n’est pas extrêmement vertigineux comme il y a quelques arbres mais la pente latérale est quand même assez raide, assez courte et il y a beaucoup de végétation haute sur le passage : de quoi bien regarder où l’on pose les pieds…
Une fois cette pente remontée, la vire qui n’était déjà pas large se rétrécit encore en même temps qu’elle tourne et qu’elle contourne la falaise, et que les arbres disparaissent. Il y a moyen de descendre facilement de quelques mètres sur un petit promontoire d’où la vue est superbe sur la vire en elle-même, les falaises environnantes et le Diois.
Un passage étonnant fait suite : la vire devient très large et parfaitement plate : on pourrait faire là en théorie un bivouac 5 étoiles. Je dis en théorie car ce replat est jonché de pierres jaunes et quand on lève la tête et que l’on voit la falaise horriblement fracturée au-dessus, on comprend vite si besoin d’où viennent ces blocs. J’avoue que déjà j’étais un peu stressé en passant là sans casque (encore qu’au vu de la taille de certains blocs, le casque ne changerait pas grand chose à l’affaire…), donc c’est clair que je ne viendrais pas y passer une nuit…
Après cette portion (sans doute la plus photogénique), la vire redevient plus étroite et pentue (en latéral). Elle contourne légèrement un pilier de la falaise et là ça devient clairement plus impressionnant : le vide est très proche, il y a peu d’arbres, et surtout la sente est étroite, très légèrement déversante et gravillonneuse. J’y avançais donc très prudemment et puis j’ai vu que ça terminait par un petit raidillon qui permettait sans doute d’avoir la vue sur l’autre côté. Je me suis alors dit que l’heure avait quand même bien tourné (car fidèle à mon habitude de cet été, j’ai attendu parfois assez longtemps qu’un rayon de soleil daigne venir éclairer la paroi) et surtout j’avoue que la perspective de redescendre ensuite ce passage raide et gravillonneux avec la perspective du vide fuyant en-dessous ne m’enthousiasmait pas, surtout pour juste un point de vue sur l’autre versant. J’ai donc fait demi tour, en profitant encore bien de la belle ambiance de la vire.
Une fois revenu au départ de la vire, j’ai vu qu’il était plus de 19h donc j’ai pris le temps de grignoter le dîner. En même temps, j’ai réfléchi à la suite des choses. J’avais prévu mon bivouac au pas de l’Aiguille pour profiter là-bas du coucher et lever de soleil, et je comptais donc faire la vire des heures dans l’après-midi pour être de retour au pas suffisamment tôt. Seulement revenu sur mon belvédère j’ai vu que les nuages étaient quand même bien entassés sur le plateau et que presque tout était à l’ombre, avec sans doute peu d’espoir de se voir dégagé d’ici la fin de journée. Qui plus est, je me suis dit que finalement le coucher de soleil du pas de l’Aiguille ne serait peut-être pas folichon, avec l’ondulation verdoyante où se trouvent les cabanes déjà dans l’ombre de la crête qui mène aux rochers du Parquet et le versant sud du Mont Aiguille sans doute aussi dans l’ombre… Bref, je me suis dit qu’au point où j’en étais, il était peut-être préférable de rester sur la vire qui s’en sortait plutôt bien avec les éclaircies jusqu’au coucher de soleil, et ensuite soit bivouaquer sur les jolis replats à la sortie de la vire (avec aussi une belle vue sur les hauts plateaux, mais qui me feraient alors perdre le bénéfice du lever de soleil au pas de l’Aiguille), soit rentrer de nuit au pas de l’Aiguille en vue du bivouac le lendemain (mais il faudrait alors assumer la possibilité d’une rencontre nocturne avec les troupeaux et leurs patous, et ne pas se perdre pour rentrer).
J’en suis donc resté à cette idée et je suis reparti sur la vire à nouveau. J’ai rapidement reparcouru les portions déjà faites (j’ai pris le temps de détailler plus haut leur description mais il faut avoir en tête que tout cela est très court) et je me suis dit qu’il fallait finir la vire. En arrivant vers le raidillon qui ne m’avait pas enthousiasmé un peu plus tôt, j’ai vu une marmotte qui s’est empressée de détaler. J’ai commencé à monter la trace qui manifestement était bien occupée par les marmottes et j’ai réalisé que la trace était peut-être d’ailleurs plutôt faite par les marmottes : une autre trace que je n’avais pas vue avec la végétation filait tranquillement sur la courbe de niveau pour contourner le petit promontoire rocheux. J’ai donc préféré redescendre prudemment pour suivre cette dernière et derrière le promontoire je suis arrivé au bord du cirque formé par le roc de Peyrole. Il était cette fois évident que c’était la fin du parcours mais il y avait moyen de descendre sur un petit promontoire qui s’avançait au milieu du cirque et là je dois reconnaître que j’ai trouvé l’ambiance absolument extraordinaire et fantastique : l’impression d’être devant un amphithéâtre gigantesque, seul au monde perdu sur mon étrave, avec en spectacle les nombreux oiseaux qui évoluaient là, et parfois les chutes de pierres dévalant la face impressionnante du roc de Peyrole. Rien que le bruit était somptueux avec les résonances des falaises. J’y ai donc passé un moment mais l’heure tournait donc j’ai fait demi-tour pour revenir vers les falaises photogéniques plus en amont (si le cirque du roc de Peyrole est fabuleux par son ambiance, c’est impossible de le rendre en photo je pense -j’ai essayé des vues en panoramique mais je n’ai pas encore eu le temps de voir ce que cela donne), afin d’y profiter des derniers rayons de soleil. Malheureusement, une fois revenu sur la zone, de gros cumulus sont revenus et ont rebouché le soleil. J’ai patienté en préparant l’appareil et le trépied au cas où une trouée furtive se reforme mais elle n’est pas venue, d’autant que les nuages étaient quand même denses vers l’horizon ce qui enlevait de fait aussi un temps non négligeable pour le coucher de soleil.
A l’ombre l’ambiance est devenue bien sûr rapidement plus austère. En sortant de la vire j’ai finalement choisi de rentrer au pas de l’Aiguille : je me suis dit que l’itinéraire était assez roulant et qu’il me restait encore un peu de jour. J’ai pu filer d’un bon pas : ma seule petite crainte question orientation était de rater l’embranchement qui quitte le GR91 pour partir vers Jasneuf et le pas de l’Aiguille mais j’y suis arrivé avant la nuit. Au final, je n’ai même eu besoin d’allumer la frontale qu’une fois passée la bergerie de Jasneuf.
En arrivant au pas de l’Aiguille il faisait nuit noire cette fois, mais il y avait encore quelques frontales qui circulaient autour de la bergerie, et d’autres sur le Mont Aiguille. Pour éviter la foule possible et ses désagréments je suis monté un peu plus haut dans le vallon pour planter la tente sur un petit replat que j’avais aperçu dans l’après-midi. Pas grand chose à dire ensuite : la nuit fut plutôt bonne malgré deux contrariétés, un vent devenu tempétueux tout d’abord, puis régulièrement des hurlements humains… Au début je me suis demandé s’il ne s’agissait pas de randonneurs n’ayant pu s’installer dans les cabanes et qui essayaient de rester éveillés pour ne pas avoir froid, mais ça semblait quand même idiot : si vraiment ils avaient froid il devait bien y avoir moyen d’aller se poser dans la cabane (ou demander de l’aide puisqu’il y avait un peu de monde et plusieurs tentes), quitte à être par terre. Et surtout, il ne faisait pas froid : même en admettant qu’ils aient voulu dormir dans la cabane et qu’il n’y ait plus de place : cela faisait juste perdre un toit mais ils devaient avoir le sac de couchage, etc… Donc rien de plus simple de trouver un creux abrité du vent et de se poser là tranquillement puisque le temps était sec. Bref j’ai vite dû admettre la pire des solutions : c’est tout simplement que ça devait être un trip fabuleux pour eux de passer la nuit là, et ils marquaient le coup en poussant leurs beuglements sauvages. Réveillé vers 3h du matin j’ai passé la tête hors de l’auvent et j’ai continué à voir leurs frontales qui se baladaient et à entendre leurs beuglements. Je me suis dit que ça me servirait de leçon pour les prochaines fois : habituellement j’aime bien bivouaquer à l’écart des zones fréquentées et il n’y a pas à dire, c’est plus sympa de se réveiller au milieu des chamois…
Le lendemain matin j’avais mis le réveil à 5h30 pour profiter du lever de soleil. J’ai pris quelques photos du lever mais il n’a eu vraiment rien d’extraordinaire en fait : trop peu de nuages pour être colorés, et les rares nuages ne se sont pas beaucoup colorés en plus. Qui plus est le vent froid était toujours désagréable et même avec toutes mes couches d’habits (gore tex + veste isolante + chemise + gants) je n’avais pas bien chaud… Bref le lever fut un peu décevant. J’ai vu en plus avec le jour que la tente des sympathiques personnes qui avaient passé leur nuit à beugler était juste au-dessus de la mienne, et qu’ils devaient maintenant dormir comme des bébés. J’avoue avoir eu l’envie d’aller les réveiller mais je me suis surtout dit que j’avais d’autres projets pour la journée donc il était temps d’aller voir ailleurs.
En croisant cet hiver Pascal à la Croix du Lautaret, il m’avait recommandé pour le lendemain de traverser le plateau par la plaine de Longue Fissole et de remonter par les anciennes jasses. Je m’étais finalement un peu perdu dans tout ça et voyant l’heure tourner j’étais rentré au mieux. Cette fois, du pas de l’Aiguille, ce parcours avait ma préférence : j’avais envie de retrouver un peu de solitude, de profiter de cette ambiance de "perdu loin du monde" des hauts plateaux. Et puis cela correspondait plutôt bien à mon timing : il fallait que je sois revenu à la voiture en début d’après-midi.
J’ai donc suivi le vallon qui remonte vers la longue Fissolle et qui porte une bonne trace. Une fois la montée faite, la trace reste excellente et de nombreux cairns la jalonnent. La vue était bien dégagée sur Jasneuf, la plaine de la Gache et les hauts plateaux. J’avais vraiment beaucoup de plaisir à être là : une grande consolation en fait par rapport à la nuit et au lever de soleil…
Paradoxalement, cette sente n’est pas notée sur IGN alors qu’elle est bien marquée, et surtout que la sente qui remonte en gros par les ruines des jasses des Fourmies, Echelle et Chamousset est elle en revanche bien indiquée sur IGN mais difficile à suivre sur le terrain. En y arrivant j’ai commencé à bien scruter le GPS mais déjà mauvais signe : j’ai loupé la première branche que j’ai croisé. En arrivant à la seconde j’ai suivi assez précisément le tracé mais il n’y avait quand même rien de très tangible : ni trace au sol marquée ni cairns. Je suis tombé un peu par hasard sur la fontaine Pourrie (qui porte bien son nom, l’eau y étant stagnante) et j’ai reconnu les passages où j’étais passé cet hiver avec la neige gelée qui compliquait tant les choses. Là, c’était bien sûr infiniment plus simple mais il faut quand même reconnaître que cette zone est assez paumatoire avec un enchevêtrement de petits vallons et petites bosses assez boisés : on peut passer partout mais l’orientation est vite compliquée, d’autant qu’on ne bénéficie pas de la vue des sommets environnants pour s’y reconnaître. Je n’ai finalement pas été étonné d’avoir galéré pas mal ici cet hiver.
Je suis arrivé sur la grande prairie jonchée de ruines de l’ancienne jasse de l’Echelle. Le site est quand même superbe : dégagé et tellement perdu loin du monde ! J’ai réalisé que c’est sans doute cet aspect que j’aime tant dans les hauts plateaux du Vercors et qu’on ne retrouve pas ailleurs. En Chartreuse par exemple, j’ai un peu toujours l’impression que quelque soit l’endroit où je me trouve la civilisation n’est jamais loin : on voit souvent les vallées, on croise souvent du monde et rapidement on revient à son point de départ. En Oisans aussi j’ai toujours l’impression qu’il est difficile d’échapper aux traces humaines : routes d’altitude, stations de ski… Sur les hauts plateaux du Vercors l’horizon est fermé au loin par les douces ondulations du plateau, et on peut marcher plusieurs jours en ne croisant quasiment personne et en ne voyant quasiment aucune infrastructure humaine en dehors des cairns et parfois des bergeries. L’impression d’être dans un vaste désert est là dès que l’on quitte les sentiers principaux.
En commençant à ressortir de la prairie de la jasse de l’Echelle, je distingue tout à coup un peu plus loin devant moi dans les hautes herbes une silhouette dressée. Ce n’est pas un cairn car je vois bien du pelage en contre jour. Au 1er abord j’imagine que c’est une marmotte qui fait le guet mais le temps d’un éclair j’aperçois la silhouette qui me semble faire du mulotage avant de se refondre dans les hautes herbes. Je me dis alors que c’était sans doute un renard assis et la chance est avec moi : j’avance contre le vent. Je me cache rapidement derrière un petit sapin (le seul en plus !), je pose le sac à dos doucement, je visse le téléobjectif et je regarde à nouveau, caché par l’arbre. Je distingue vaguement à travers les hautes herbes le corps de l’animal qui s’est un peu éloigné et qui ne bouge toujours pas trop. J’entends quelques grognements qui me font douter un petit moment sur la nature de l’animal, d’autant qu’il me semble tout de même plus gros que le renard de la Chau dont j’ai souvenir. C’est sans doute un peu idiot mais j’en viens même à me demander si ça ne pourrait pas être un lynx, et je me demande du reste s’il peut représenter éventuellement un danger, même si je me dis que ça n’est sans doute pas le cas si c’est un animal si discret. A force de petits mouvements je ne vois plus l’animal, il a dû descendre vers le petit creux herbeux derrière la bosse où je l’ai surpris. Je m’étais dit que si par chance il venait vers moi il y aurait sans doute de beaux clichés à faire, étant bien caché derrière les branches de mon sapin, mais ça s’annonce en fait plus compliqué… D’un côté je n’ai pas envie de gâcher par excès de précipitation la chance que j’ai peut-être de le surprendre, mais d’un autre côté je me dis qu’il est peut-être en train de s’éloigner et une fois qu’il aura regagné la crête en face je n’aurai plus aucune chance de l’approcher sans me faire voir. Donc j’avance doucement, courbé comme un sioux, vers les hautes herbes qui dominent la cuvette où je suppose qu’il est. Je suis à mi chemin des hautes herbes quand je le vois ressortir sur la droite. D’un côté j’ai la chance qu’il ne m’aie toujours pas vu, mais d’un autre côté je ne pourrai plus me cacher maintenant. Il s’éloigne alors tant pis je tente un cliché, puis un deuxième : il s’immobilise alors, les oreilles dans ma direction avant de détaler en courant sous le couvert des pins tous proches. Je repense seulement alors que mon appareil a un mode de déclenchement "quiet" : il faudra que je m’en souvienne la prochaine fois… Pas de belle photo donc, mais je suis quand même pleinement heureux de la rencontre : encore quelque chose de magique sur ces hauts plateaux.
Je continue la montée enthousiaste, et je ne tarde pas trop à arriver à l’ancienne jasse de Chamousset. Il est encore un peu tôt mais je sais que je ne vais plus tarder à retrouver la bergerie de Chamousset avec son GR et sa foule sans doute donc j’en profite pour traîner là encore un peu, pour profiter de l’ambiance, et je prends le pique-nique. Enfin je reprends la marche et derrière la petite crête je vois la grande prairie qui mène à la borie et Chamousset. Il y a un troupeau autour de la borie avec ses patous, donc je passe tranquillement plus au sud pour arriver directement dans la prairie sous la bergerie. Au passage je remarque que le ciel semble encore bien encombré dans le Trièves alors qu’il est encore bien dégagé sur le Vercors.
Je suis maintenant le GR qui revient vers le nord et le pas de l’Aiguille ; il y a un peu de monde qui pique-nique ici et là, et de jolis cumulus passent ici et là sur les crêtes faisant de beaux jeux d’ombres et de lumières. La balade se termine sans histoires : je repasse au pas de l’Aiguille puis je redescends au parking, où j’arrive peu après 14h.
Au final je me dis que je m’en tire très bien du côté météo, et j’ai vraiment pris un très grand plaisir à venir arpenter à nouveau ce sud des hauts plateaux du Vercors.

Creative Commons licence
Vire du rocher des heures
Pas de l'Aiguille
Hauts plateaux
Chamousset

© 2024 bivouak.net, ainsi que tous ses membres, ne sauraient être tenus responsables en cas d'incident. Sachez faire preuve de discernement et de prudence en toutes circonstances. Soyez responsables...

Identification

Social Media