Malgré une météo peu engageante et après une soirée bien arrosée, la décision est vite prise après avoir vu un graphique des conditions à Saint Pierre d’Albigny, il affiche peu de nuages même si le vent n’y semble pas si anodin que cela. Le Morbié sera donc la destination du jour. La température ambiante ne dépasse pas les 10° dans la vallée de l’Isère pour descendre jusqu’à 2,5° au départ de la balade. Elle sera donc faite avec les gants et le pull rouge. Si l’air est calme au départ dans la vallée au petit hameau des Fougettes, le vent siffle maintenant dans les branches des sapins juste au-dessus du Col de la Sciaz... Serait-ce aujourd’hui le jour où je vais redescendre pour la première fois à pinces ?
La question reste entière, alors que je marche dans la neige de plus en plus profonde non loin du sommet. Les hêtres nus ronflent sous la brise du sud qui tord les branches les plus hautes. Toutefois, le vent au sol n’est pas si fort et reste stable en direction comme en force. Après quelques hésitations légitimes, l´option d’étaler la voile est engagée. Pour ne pas être embêté par le vent, je cale consciencieusement le parapente avec des boules de neige informes faites de la croûte épaisse que le soleil a formée hier sur le manteau neigeux. Une fois tout installé, il ne reste plus qu’à attendre une accalmie qui viendra etonament vite, même si les branches des arbres mugissent toujours derrière moi. La montée de la voile est fulgurante après une reculade de quelques mètres. L’envol est tout aussi rapide, ce sont les secondes suivantes qui ont été ingérables. J’entre dans la couche d’air mobile qui passait au-dessus de moi... J’avoue avoir perdu pendant quelques secondes le contrôle de l’aéronef. Fort heureusement, le crash que j’envisageais furtivement n’a pas eu lieu, la voile s’est mise dans le flux tonique de sud et je me suis mis à lentement avancer vers l’atterrissage. Si j’ai eu des doutes quant à la possibilité de rejoindre les premières prairies au-delà de l’immense forêt qui s’étale à perte de vue sous mes pieds, le passage sous la couche ventilée m'a permis de me rassurer et de progresser tranquillement vers les champs.
Notez bien que quand ça ne veut pas le faire correctement, ça le fait jusqu’au bout, puisque lors de mon approche je m’éloigne un peu trop de la cible et dans ma dernière ligne droite, il devient évident que jamais je n’atteindrai l’objectif. Heureusement il existe un autre champ biscornu, en pente et clôturé qui me sauvera la mise d’un arbrissage redouté jusqu’à la dernière seconde.
Le parapente on y aime, mais dans des conditions plus douces de préférence.